Et si les banques implantées dans les pays émergents faisaient de l’inclusion financière un élément clé de leur stratégie ?
Désormais, la question se pose car pour celles qui l’ont tenté, le succès est au rendez-vous et le potentiel de croissance est énorme !
Dans un rapport publié fin 2015, Accenture estime que l’inclusion financière pourrait générer pour les banques des pays émergents, et ceci d’ici 2020, un PNB annuel additionnel de l’ordre de 380 milliards de dollars. Longtemps cantonnée par les acteurs bancaires traditionnels aux frontières de la philanthropie, l’inclusion financière est aujourd’hui entrée dans leur champ concurrentiel avec 2 territoires à conquérir.
Il y a celui des entreprises, principalement les plus petites, au potentiel de 270 milliards de dollars. Bien que bancarisées, elles ont malgré tout un accès difficile voire restreint aux crédits, un défi de taille pour les banques.
Pour 110 milliards de dollars, vient ensuite le segment des « underbanked« . Ces populations dites « sous-bancarisées » consomment peu – ou trop peu – de produits et services bancaires et financiers. En effet, l’offre bancaire est souvent inadaptée à leur situation et à la réalité de leur quotidien … quand elle n’est pas inexistante. Ces particuliers qui restent à conquérir se trouvent principalement en Inde, au Pakistan, en Chine, en Indonésie. Mais également au Nigéria, en Ethiopie, au Mexique, au Brésil et dans une moindre mesure en Russie et en Egypte.
On pourrait facilement réduire cette population aux plus pauvres mais pour Accenture, les exclus du système bancaire sont partout, du segment des plus bas revenus (moins de 1.000 $ l’année) jusqu’au mass-market (revenu annuel de 3000 à 8.400 $) en passant par celui des bas revenus (de 1.000 à 3.000 $ l’an).
L’inclusion financière, ça marche !
Accenture s’est intéressé tout particulièrement à 12 pays émergents et aux stratégies de conquête actuelles des leaders de leur système bancaire et financier. Soit un panel d’une trentaine de banques publiques, privées, des grandes et petites institutions, toutes en pointe sur ces marchés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine.
Et la conclusion de cette enquête publiée sous le titre Within Reach, How banks in emerging economies can grow profitably by being more inclusive est que les initiatives d’inclusion financière portées par quelques banques sont de véritables succès commerciaux participant à transformer durablement la gamme de produits et services de ces acteurs la rendant plus inclusive sans en être moins rentable.
Alors que penser de ces initiatives qui semblent être aux antipodes des préoccupations de nos économies sur-bancarisées ? Et quelles leçons pouvons-nous tirer de ces expériences réussies qui re-dessinent le visage d’un monde bancaire innovant, plus agile et plus proche de la réalité de son environnement ?
Aussi, j’ai souhaité partager avec vous 4 succès repris dans ce joyeux rapport d’Accenture qui entrent en résonance avec les enjeux de transformation de nos banques européennes.
Xapit ou le compte des exclus du système bancaire
Lancé en 2008 par la banque Zanaco, ce compte bancaire qui peut être ouvert en une poignée de minutes seulement offre l’accès à une carte de débit VISA et à quelques services bancaires au travers d’un téléphone mobile. Xapit a séduit 200.000 clients qui effectuent plus d’un million de transaction par mois. Lancé pour cibler initialement le marché des populations les plus pauvres, cette offre de services bancaires simple et peu couteuse a également séduit les clients historiques de la banque.
eKeys ou le compte d’épargne collectif des populations rurales isolées
Développé par Barclays en partenariat avec la Fondation Grameen, l’opérateur télécom Airtel et l’ONG CARE, eKeys est un portefeuille de monnaie électronique 100% mobile adossé à un compte d’épargne ouvert dans les livres de Barclays qui digitalise et rend mobile les pratiques des groupes d’épargne informels très développés en Afrique.
eKeys a été conçu autour d’un mécanisme de clés digitales garantissant aux membres du groupe un accès sécurisé à leur épargne. Comment ça marche ? L’un des membres du groupe désigné trésorier détient à ce titre pour le compte du groupe une carte SIM et 3 autres membres sont quant à eux détenteurs de code PIN additionnels. Si le trésorier souhaite effectuer une opération d’épargne ou de retrait, ces 3 membres sont instantanément avisés par SMS pour la valider.
M-Shwari ou le recrutement client sans friction
La Commercial Bank of Africa en partenariat avec l’opérateur télécom Safaricom a lancé en 2013 M-Shwari, une offre 100% mobile pour les clients M-Pesa combinant produits d’épargne et de crédit. Le processus d’enrôlement à distance utilise des procédés automatisés permettant la vérification instantanée d’informations KYC. En effet, en se fiant aux propres données de l’opérateur et de M-Pesa, la banque n’a pas besoin de réaliser de vérifications complémentaires.
Equitel ou l’opérateur bancaire de réseau mobile virtuel
Au Kenya, pour concurrencer directement M-Pesa, Equity Bank a décidé en 2015 de lancer Equitel, sa propre solution de plateforme bancaire multi-services en créant un MVNO (Mobile Virtual Network Operator) en partenariat avec l’opérateur Airtel. Pour déployer cette offre innovante – combinant solutions de paiement et de crédit – tout en évitant à ses clients l’achat d’un deuxième téléphone ou bien son remplacement pour un matériel double-SIM, Equity Bank a opté pour une stratégie de déploiement aggressive en adoptant la technologie des cartes SIM ultra-minces qui se collent aux cartes SIM normales. Cette carte peut également embarquer la technologie NFC permettant alors au téléphone de se transformer en solution de paiement sans contact. Equitel a recruté plus de 2 millions de clients depuis son lancement contribuant à renforcer les performances de la banque.