Avec l’inexorable montée en puissance de l’intelligence artificielle et des algorithmes qui l’accompagnent, mais aussi à en croire les promesses des technologies actuelles ou émergentes qui les subliment,
il y a de grandes chances que la banque de demain agisse en banque programmable.
Pour les banquiers, salariés et dirigeants, le visage que prendra cette banque programmatique est un sujet sensible qui renvoie le plus souvent à l’emploi. Pour une industrie qui en a créé beaucoup, on comprend facilement que l’avenir des effectifs des banques passés au crible de l’intelligence artificielle fasse l’actualité. Et les années qui arrivent ne s’annoncent pas très bonnes.
Entre crainte et promesse, l’émergence de la banque programmable
Depuis plusieurs mois, on vit au rythme des déclarations fracassantes des experts annonçant d’ores et déjà le début d’une grande purge ! La Robotic Process Automation annoncerait la fin pure et simple de l’industrie du offshoring entrainant des économies entières vers de nouveaux équilibres. Watson Explorer serait en passe de faire disparaitre jusqu’à 25% des salariés d’un département d’un assureur japonais.Dans l’assurance, ce serait 50% des emplois qui seraient en jeu d’après un grand patron suisse ! Et à 10.000 km de là, des consultants avertissent qu’il faudra probablement moins de 10 ans pour que les effectifs des banques de détail françaises se réduisent de près d’un tiers. Cette analyse dont la paternité revient au cabinet Athling donne tout de même à réfléchir et préoccupe aujourd’hui l’Association française des banques.
Pour autant, des voix s’élèvent pour affirmer que l’intelligence artificielle annonce de meilleurs lendemains pour nos « vielles » économies à la peine.
Accenture estime qu’elle pourrait tout bonnement multiplier par deux les taux de croissance des pays développés et augmenter de 20% la productivité de la France d’ici à 2035.
Indiscutablement, l’intelligence artificielle fait débat et cela n’est pas prêt de s’arrêter !
Une banque des machines intelligente perfusée à la donnée
Avec l’intelligence artificielle, c’est donc d’abord une banque des machines pour amplifier le travail de l’homme qui va se développer.
Et avec elle, l’industrie bancaire n’échappera pas au défi consistant à résoudre la difficile équation de la donnée.
En effet, les machines en raffolent et ce carburant de premier choix ne risque pas de leur manquer dans le futur. Selon le cabinet IDC, en 2020, pour chaque personne en ligne, 1,7 Mo de données seront nouvellement créées à la seconde, soit 53 millions de Mo à l’année. Stupéfiant ! A ce petit jeu-là, la banque ne sera pas la dernière des industries à en posséder plus que des paquets.
Merveilleux non ? Pas si sûr !
Bien que cette matière première apparaisse à première vue inépuisable, elle ne fait pas du tout l’affaire des systèmes qui s’en nourrissent. Car non structurée, elle apparaît en réalité périssable emprunt à l’obsolescence.
Aussi, réussir à forer, extraire, raffiner et au final exploiter ce nouvel or noir en croissance exponentielle, mais périssable, sera l’un des grands défis stratégiques de la banque du futur.
Dit autrement, il s’agira donc pour la banque programmable de réussir à injecter dans ses moteurs un carburant avant qu’il ne devienne impropre à la consommation et alors même que les dates de péremption vont se raccourcir.
Grâce au machine learning et au deep learning, cette gageure pourrait bien trouver sa solution dans des machines neuronales, dotées de capacité prédictive remarquable au point d’être capables d’exploiter des données avant même qu’elles ne se soient réellement produites. En anticipant par milliards les scénarios de nos comportements, les validant in fine dans une sorte d’anté-testing perpétuel, ces robots pourraient bien nous sortir en avant-première le grand livre de nos données.
Aujourd’hui déjà, « les machines apprennent, comprennent et sont capables d’agir en fonction de ce qu’elles ont appris et compris […] Elle [la machine] se souvient, anticipe et alerte« . Elles sont aussi également en mesure d’inventer leur propre langage, se l’enseignant directement entre elles.
Actuellement, se dessinent la banque des moments, la banque à la carte, la banque des émotions avec des intelligences comme Pepper et Watson capables de ressentir le « sentiment ambiant », ce qui visiblement n’a pas échappé à Luc Besson avec une scène savoureuse à voir dans son dernier film Valérian.
A travers les robots, ce sont toujours des humains qui réfléchissent
Si l’on imagine donc que la banque de demain sera programmable, il est indiscutable qu’il faudra donc … la programmer.
Or de quoi seront faits ces programmes ? Que pourraient bien y injecter les banquiers de demain et les génies de la finance transfigurées par les nouvelles intelligences artificielles ? Car comme nous le rappellent si justement les consultants de ScoreAdvisor « à travers les robots, ce sont toujours des humains qui réfléchissent, même quand tout est présenté pour le faire oublier !« .
Voilà selon moi l’un des enjeux les plus sensibles de la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Qui voudrait par exemple d’une banque programmée sur les erreurs du passé, sur une éthique douteuse ou sur le rejet des plus fragiles ou des plus démunis ?
Il n’y a pratiquement pas de littérature à ce sujet, peut-être parce qu’il faudrait faire de la banque du réel un roman d’anticipation et j’avoue que c’est assez difficile à écrire. Essayons tout de même !
Au commencement, la théorie de la singularité !
En me posant cette réflexion, je me suis rappelé ce film de science-fiction Chappie regardé tard une nuit hanté par l’insomnie du banquier. L’avez-vous vu ? Chappie, c’est un film de science-fiction engagé dont le réalisateur et scénariste Neill Blomkamp est probablement un disciple dans l’âme du futurologue américain Ray Kurzweil, grand spécialiste de l’intelligence artificielle, qui voit dans les nanotechnologies poindre l’immortalité de l’humanité ou plutôt l’immortalité d’une humanité robotisée.
Explication ! Et c’est Jean Staune, qui nous la livre dans son dernier ouvrage les clés du futur :
« Le but ultime, c’est d’être capable de télécharger une conscience humaine dans un matériel informatique ».
L’humanité, continue-t-il « accédera ainsi à l’immortalité ». Incroyable ou flippant, c’est selon, chacun peut choisir son camp !
Et bien Chappie, ce droïde programmé pour mener des actions de police et de maintien de l’ordre dans une Afrique du Sud en proie à la criminalité et à la violence, va chercher – je vous passe les circonstances – à se créer une conscience et à la sanctuariser dans une mémoire informatique pour la dupliquer perpétuellement d’un corps robotique à un autre. Il en fera de même avec son créateur pour prolonger sa vie.
La banque des consciences
J’imagine bien que pour un futurologue comme Ray Kurzweil, grand pape de la théorie de la singularité, la banque du futur se réinventera en banque des consciences au service d’une humanité robotisée.
Dans le monde rêvé de Ray, le voilà donc en mesure de télécharger sa conscience, d’en sélectionner une partie, celle qui reprendrait par exemple son rapport à l’argent, à la façon de le dépenser, de le transmettre, de l’épargner ou de le prêter.
Il pourrait certainement la confier ou la partager avec sa banque robotisée. On lui proposerait probablement de l’injecter lui-même dans les programmes de son banquier augmenté préféré pour qu’il le serve et le conseille … en conscience.
Mieux encore, j’imagine qu’il pourrait confier tout cela à son avatar, un double de lui-même, programmé pour s’interfacer automatiquement avec l’ensemble de l’industrie bancaire construite en architecture ouverte. Cet avatar, porteur de sa conscience, surveillerait en continue l’offre bancaire, sélectionnerait dynamiquement les produits les plus compatibles avec ses fragments de conscience qui pourraient être d’étudiant, d’entrepreneur, de père de famille … de futurologue.
Son rapport à la banque en serait totalement bouleversé pour se transformer en relation de consciences.
Imaginez-vous un instant immergé dans ce nouveau monde. Vous y êtes ? Et bien, ce ne sont plus de simples données qui viennent biberonnés les algorithmes intelligents des banques mais bien des millions de consciences. Toute une injection d’humanité !
Je m’interroge. La banque de Ray serait-elle de fait plus proche de nous, plus vertueuse, plus éthique, plus inclusive ? Ou bien alors tout le contraire ? Pourrait-elle se créer elle-même à son tour sa propre conscience et dans quel but ? Effrayant ? … peut-être … fascinant ? … certainement !
Bienvenue dans la banque du futur !
Mes remerciements sincères aux équipes de recherche documentaire des Etudes Economiques Groupe de Crédit Agricole S.A. qui ont permis de nourrir ce post de fiction. Merci aussi à toi, Pierre, c'est un très bon cru ce dernier Jean Staune :)